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FINANCEMENT ET DONNÉES SOCIALES

INTERVIEW

Protection sociale et transition écologique : comment verdir les données sociales ? (N. Simon, GIP-MDS)

Nicolas Simon, Directeur des offres et de la transformation digitale et responsable RSE au sein du Groupement d’Intérêt Public - Modernisation des Déclarations Sociales (GIP-MDS), revient avec nous sur les réflexions et actions engagées par le GIP-MDS en matière d’écologie.

Quel est le rôle du GIP-MDS et quelles sont vos fonctions en son sein ?

L’ADN du GIP-MDS est de simplifier la vie des entreprises. Le GIP MDS contribue à la performance du système de protection sociale en France en délivrant des services numériques mutualisés. Il a ainsi permis une révolution simplificatrice en termes de déclarations avec la création du portail « Net-entreprises » et la mise en place de la Déclaration Sociale Nominative (DSN). La DSN permet le recouvrement des cotisations et le prélèvement à la source, tout en véhiculant les données sociales liées à la paie des entreprises. Ces données, déclarées à fréquence mensuelle permettent de revoir également la gestion de la délivrance des prestations via l’automatisation du calcul des ressources des individus. Le GIP-MDS réfléchit également à de nouveaux usages des données sociales (indicateurs au service des entreprises mais aussi indicateurs « en temps réel » de suivi de politiques publiques à destination des décideurs par exemple) et on déploie toute une offre en ce sens. Au sein du GIP-MDS je suis responsable de la Direction des offres de la transformation digitale mais aussi de la RSE.

Dans le cadre de vos activités RSE, quels sont les enjeux identifiés liés à l’empreinte environnementale des activités du GIP-MDS ?

Le GIP-MDS est une petite structure (moins d’une centaine de salariés) dans le paysage de la protection sociale mais il est au carrefour de beaucoup de projets. Nous avons un rayonnement auprès de nombreuses parties prenantes – organismes de protection sociale, administrations, éditeurs de logiciels, experts comptables, entreprises, etc. – et notre stratégie RSE doit donc prendre compte cette multiplicité d’acteurs. Dans le monde de la protection sociale, les actions RSE sont par nature déjà empreintes des problématiques de management et de gouvernance sociale, mais la question environnementale reste encore trop peu mise en avant. Depuis quelques années nous essayons de développer ces actions, d’abord en interne mais avec dans l’idée de partager plus largement avec l’ensemble de nos parties prenantes.

Comme point d’entrée à nos actions, nous avons réalisé notre bilan carbone en cherchant à mesurer autant que possible les émissions indirectes, qui correspondent au « scope3 » sur les produits vendus. Et nous ce que l’on met à disposition ce sont des services numériques, poste d’émission le plus importants dans notre bilan (plus de 80% des 6,7 téqCO2/ETP).

Le numérique peut paraitre immatériel mais la dématérialisation complète n’existe pas. On peut se débarrasser du papier visible mais on repose toujours sur des ressources matérielles, des data centers mais aussi surtout sur les terminaux des utilisateurs finaux.

Pour rappel, le numérique représente déjà 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, soit plus que l’aviation civile par exemple. Et allant probablement vers les 8% d’ici à 2025, soit autant que le secteur agricole, nous nous devons tous d’agir pour limiter les impacts !

Cette démarche du bilan carbone a aussi des limites : dépendance aux hypothèses prises, difficulté d’obtenir des données fiables sur l’intégralité du périmètre. Nous envisageons également d’étendre cette mesure d’impact à la biodiversité car le numérique nécessite aussi de nombreuses ressources abiotiques (minerais), de l’eau et génère de la pollution (des sols, de l’air et de l’eau) et des déchets...

Le numérique peut paraitre immatériel mais la dématérialisation complète n’existe pas.

Quelles actions avez-vous engagées pour limiter cette empreinte ?

Afin de réduire notre empreinte écologique, nous travaillons sur une stratégie de numérique responsable, avec une politique d’achat de matériel moins polluant (reconditionné, allongement de la durée de vie), et par l’évolution des outils (portail et applications) mis à disposition et utilisés par deux millions d’entreprises au quotidien. Pour cela, une éco-conception des services numériques est nécessaire, en introduisant par exemple des critères RSE et GreenIT dans les choix de serveurs, data centers, des facteurs de sobriété énergétique sur l’exploitation de nos systèmes d’information ou encore la mise en œuvre d’un référentiel de bonnes pratiques pour le développement de nos applications. Ce sont des actions que nous mettons en place progressivement et qui doivent nous mener à abaisser nos émissions de gaz à effet de serre et contribuer ainsi à la neutralité carbone collective.

J’espère que, bientôt, cette écoconception sera naturelle dès les phases amont de la conception des projets. Aujourd’hui nous sommes encore dans une phase de sensibilisation, de formation et de mise en place des outils de mesure.

Quels freins identifiés à ces actions RSE et quelles stratégies mettre en place pour réussir à engager tous les membres ?

Pour une politique RSE ambitieuse dans un organisme, des relais dans les directions et équipes techniques sont cruciaux. Les marchés passés par le GIP-MDS représentent pour moi un levier essentiel. Une limite de cette approche est qu’il faut ensuite être en mesure de contrôler la bonne application de ces principes dans l’exécution du marché.

Par ailleurs, pour faciliter la prise en considération de ces enjeux par tous les acteurs, il est plus facile d’embarquer ces sujets sur les nouveaux projets que de chercher à modifier les applications existantes. Par exemple, les considérations écologiques menant à une éco-conception de pages internet peuvent aussi parfois sembler entrer en conflit avec des principes de facilitation des relations utilisateurs. Dans ce contexte, on déploie d’abord des actions sur les sujets les moins « sensibles » du point de vue de l’offre. Par exemple en mettant en place des normes de développement plus « sobres ».

Plus largement, comment le cœur d’activité du GIP-MDS peut contribuer à verdir la protection sociale ?

La mise en place de Net-entreprises a permis de rationaliser les données sociales. La normalisation et rationalisation des données sont au cœur des principes du GIP-MDS. Elle vise à réduire le nombre de données déclarées en insistant sur la notion du « Dites-le nous une fois ».

C’est aussi une approche de mutualisation des usages qui a guidé l’action du GIP-MDS. Net-entreprises œuvre à concevoir ses fonctionnalités et services via un bouquet centralisé en lieu et place d’une diversité de solutions et de connexions. Et ce, de la manière la plus générique possible, pour que leurs usages soient partageables et que le plus d’acteurs possible puissent en bénéficier, sans avoir à réaliser de nouveaux développements et sans mobiliser de nouvelles infrastructures à chaque nouveau besoin. La mutualisation des services et la normalisation des données participent à la sobriété numérique de toute la sphère sociale.

La mutualisation des services et la normalisation des données participent à la sobriété numérique de toute la sphère sociale.

Les gains du GIP-MDS sont donc concrets mais encore difficilement mesurables, puisqu’ils s’inscrivent sur un temps long, et doivent s’estimer au niveau de l’ensemble de la chaîne de valeur étant donné que sa production de données est née pour remplacer une multitude de productions désynchronisées existants chez presque tous les organismes parallèlement et a permis de fermer concrètement d’anciennes procédures et de recycler les machines qui y étaient dédiées.

Entretien retranscrit par Marie Devaine et Nicolas Berger suite à un échange animé en partenariat par YCE partners et l’équipe de recherche ProS+Eco (Lucile Marchand) le 3 février 2023.

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