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EMPLOI & FORMATION PROFESSIONNELLE

ÉTUDE

Le numérique : ingrédient miracle pour la formation professionnelle de demain ?

La transition numérique affecte aujourd’hui de nombreux champs de nos sociétés, et notamment l’emploi. En effet, de nouvelles opportunités ont été créées grâce à la révolution digitale et aux évolutions technologiques qui la composent (internet, ordinateurs, smartphones, ...), se traduisant par la création de nouveaux secteurs d’activités. Toutefois, la transition numérique a également affecté les emplois qui ne sont pas directement liés à cette révolution digitale ; en bénéficiant de ces nouvelles technologies, ils ont dû s’adapter à ces dernières. De fait, aujourd’hui, 90 % des métiers requièrent des compétences informatiques (European Commission, 2019, p.4).

Cette transformation pose aujourd’hui un défi considérable dans de nombreuses sociétés. Alors qu’en France, plus de 40 % des personnes ont de faibles compétences digitales ou pas de compétences digitales (European Commission, Digital scoreboard), comment faire en sorte que chacun puisse trouver sa place dans ce nouvel écosystème ?

La formation professionnelle de demain.

L'exploitation des différentes opportunités présentées par la transition numérique ainsi que l'accompagnement des actifs dans leur adaptation à ce scénario passent par la montée en compétence par rapport aux nouveaux outils, capacités et savoir être demandés par l'économie numérique. Pour ce faire, les entreprises et les institutions publiques investissent de plus en plus dans la formation des individus afin d'avoir les ressources humaines nécessaires pour faire face à ce qui est parfois appelé la "4ème Révolution Industrielle".

La transition numérique transforme aussi la stratégie des entreprises et des organismes de formation vis-à-vis de leurs offres de formation. Les nombreuses ressources en ligne disponibles pour les actifs (ex : TedTalks, MOOCs, etc.) permettent de guider leurs choix de formation de manière autonome (« self- directed learning »), ce qui les motive à chercher des offres de formation uniques et adaptées auxquelles les individus ne peuvent pas accéder indépendamment.

Des outils tels que la réalité virtuelle (VR) et la réalité augmentée (AR) sont utilisés dans des contextes divers allant de la préparation des techniciens de la multinationale Shell travaillant dans des plateformes pétrolières à répondre à des incendies et fuites à la simulation des flux clients dans un magasin Walmart pendant le « Black Friday ». Malgré leur coût initial élevé, l’expérimentation dans un environnement contrôlé, offerte par ces technologies, s’est avérée être un atout précieux pour la formation des employés et devient de plus en plus courante chez les entreprises.

La réalité virtuelle fait aussi ses preuves en France, où elle a pu former en toute sécurité le personnel d’un Ehpad près de Limoges aux gestes spécifiques à la prise en charge des résidents positifs au Covid-19. Sur la base de cette expérience réussie, une quinzaine d’Ehpad du Limousin devraient participer à cette expérimentation prévue sur trois mois à partir de janvier 2021.

Moins révolutionnaire mais également efficace, le gamification est souvent utilisée par les entreprises et organismes de formation lors de la conception de leurs parcours d’apprentissage. Aussi appelée « ludification », cette technique consiste à intégrer des mécanismes de jeux à un produit ou processus qui n’a pas pour but principal d’être ludique. Déjà très répandue dans le domaine de l’éducation (ex. : l’applicatif d’apprentissage de langues Duolingo), la gamification est également employée dans le but d’optimiser l’assimilation des informations et de maximiser l’engagement lors des formations.

Comment faire en sorte que les travailleurs de tous horizons mettent leurs compétences à jour et en acquièrent de nouvelles, sans que la transition numérique ne soit un frein à l’émancipation, mais toujours un atout ?

Si la transition numérique demande de nouvelles formations, elle est également à son service. Le digital met à la disposition des formateurs de nouveaux outils innovants, lesquels rendent possibles de nouveaux modes d’animation et de participation et facilitent l’interaction entre les formateurs et les apprentis. Les outils numériques permettent de créer des formations sur mesure et de rendre les individus plus actifs dans leurs parcours de formation en choisissant où, comment et sur quoi se former. Cette flexibilité́ permet à davantage d’individus de suivre des formations (ex. : publics travaillant pendant la journée, femmes avec des enfants en charge ou individus avec des difficultés de locomotion).

Le challenge de la reconnaissance de compétences.

Soulignons qu’une bonne partie des compétences développées par les adultes sont acquises au travers de formes d’apprentissage non formelles (ex. : expérience directe, tutorats, parcours de formation non diplômante). Ce manque de certification limite la valeur de ces compétences en cas de changement de métier ou de retour à l’éducation formelle. De nouveaux modes d’accréditation des formations, plus adaptée aux nouveaux modèles d’apprentissage et formation actuels, doivent être créés afin de maximiser la reconnaissance des compétences acquises (OCDE, 2018). Encore une fois, le digital apporte de nouvelles solutions avec la création des « badges digitaux » ou « open badges ».

Créées par la Fondation Mozilla en 2011, les open badges sont des outils de validation digitale dans le format d’une image numérique (badge) dédiés à l’enregistrement de métadonnées (ex : informations sur le récepteur, émetteur, critères, etc.) liées à des connaissances, compétences et réalisations. Alors que dans un CV papier une compétence déclarée est difficilement mesurable et sécurisée, un open badge est un élément vérifiable grâce à ses informations intégrées : comme un QR Code, l’image numérique de l’open badge est liée à des informations spécifiques à son porteur et son contenu.

Il est important de souligner que la réussite d’un dispositif Open Badge dépend fortement de sa capacité́ à dégager une valeur réelle et qu’un badge émis par des acteurs plus largement reconnus a plus de chances de servir comme un vrai atout pour son récepteur. Par conséquent, la création d’un open badge doit être pensé en ayant en tête les caractéristiques du secteur auquel elle vise répondre au risque de devenir uniquement un « gadget ».

Une recette miracle ?

Il est possible d’observer que malgré l’inquiétude parfois engendré par la transformation numérique, cette transformation met de nombreuses ressources au service des individus et peut être un levier pour leur accès à la formation, ainsi que pour la validation de leurs compétences. Toutefois, ces ressources ne sont pas une « recette miracle » et toute innovation doit être pensée de façon intégrée aux politiques de formation en place, aux objectifs de la formation et au profil de la population formée. Par exemple, des recherches indiquent que les approches éducatives les plus efficaces mélangent les ressources numériques à des opportunités d’apprentissage face-à-face (Brooks & Gibson, 2012), ce qui confirme que ces innovations viennent complémenter etnon remplacer l’existant.

La formation de demain, pour répondre aux besoins des personnes touchées par l’impact de la transition numérique, doit être pensée non pas seulement sur la base des innovations disponibles, mais en fonction de l’écosystème de formation en place et des besoins des individus suivant ces formations.

Fernanda de Freitas, Julien Rouvreau, 26.01.21

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Crédit photo : Scott Graham sur Unsplash

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