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FINANCEMENT ET DONNÉES SOCIALES

ÉTUDE

Les jeunes : parents pauvres du système de protection sociale en France ?

Historiquement, les jeunes ont toujours été à la marge des principaux mécanismes d’aide sociale en France. La période récente, qui a vu cette part de la population durement touchée par les effets de la crise sociale, pouvait laisser augurer un changement de cap, notamment par l’extension de dispositifs existants (RSA) ou l'annonce de dispositifs à venir (revenu universel d’activité). Mais l’agenda social du gouvernement ne prévoit pas pour l’instant de toucher aux contours du système de protection sociale, pour se concentrer plutôt sur des mécanismes d’aides à l’emploi.

Les jeunes, exclus des minima sociaux : l’héritage d’une tradition « familialiste » française.

À l’origine, une logique assurantielle, fondée sur l’activité professionnelle.

Le système de protection sociale français qui s’est développé à compter de 1945 s’inscrit principalement dans une logique assurantielle : des contributions ouvrent droit à des prestations. Ce modèle a été construit alors que la société salariale se développait tout en se reposant sur des critères familiaux : en référence à l’activité « standard » d’un salarié, travaillant à temps plein et bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Si le système social français n’a pas été conçu dans l’objectif de servir « la cause des jeunes », il n’exclut pas en soi les « jeunes » : un individu peut en effet commencer à travailler jeune et donc à s’ouvrir des droits.Des minimas sociaux soumis à des conditions d’âge.

Notre système est depuis devenu « hybride » : en complément des protections « contributives » en lien avec l’activité professionnelle (prestations maladie, vieillesse, invalidité ou accidents du travail), des protections universelles (minimas sociaux, couverture santé de base, prestations familiales) sont accordées à tous les citoyens, sans prendre en compte leur activité.

Mais ces prestations minimales sont toutes soumises à des conditions d’âge : à de rares exceptions près (charges de famille ou encore conditions minimales d’activité préalable, souvent particulièrement rigoureuses, notamment), elles ne sont ouvertes aux jeunes qu’à compter de l’âge de 25 ans.

Ceci est une spécificité française : les jeunes peuvent bénéficier d’un revenu minimum à partir de 18 ans dans la quasi-totalité des pays européens, alors que les jeunes adultes français de moins de 25 ans sont presque les seuls en Europe (avec les Espagnols et les Luxembourgeois) à être écartés des principaux minimes sociaux. A tel point que certains considèrent que les jeunes représentent un « angle mort de l’État-providence français ».

Le dispositif de « Garantie jeunes » est dans les faits un des seuls qui cible précisément les jeunes. Bien qu’ayant atteint sa cible, elle ne constitue pas un droit (étant accordée par des organes gestionnaires, les missions locales en particulier) et offre un montant moindre que le RSA.

Perspectives et pistes d’évolution : des appels toujours plus nombreux à un statut plein de citoyen social.

De ce fait, les jeunes eux-mêmes, depuis plusieurs années, revendiquent une évolution de leur couverture sociale : création d’une « Dotation Tremplin » en capital de 5 000 euros activable dès 18 ans, portée par des étudiants et soutenue par un député en 2018 ; ouverture du RSA aux moins de 25 ans, pour laquelle un collectif d’associations et de syndicats étudiants a récemment interpelé le gouvernement… Face à la crise sanitaire, dont les conséquences économiques touchent durement les jeunes, les initiatives se multiplient dans le but d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la protection sociale des moins de 30 ans.Le gouvernement a réagi en proposant un élargissement des dispositifs de prime à l’embauche, apprentissage et formation. Si ces annonces ne peuvent qu’être encouragées, elles sont encore loin d’une révolution de la protection sociale offerte aux moins jeunes, ou de leur alignement sur le droit commun.

Dans ce sens, ouvrir aux 18-25 ans le futur revenu universel d’activité (RUA) représenterait une grande avancée pour lutter contre la précarité d’une partie de la jeunesse. Mais cette option ne semble pas faire consensus au sein de la majorité, qui a d’ailleurs plusieurs fois reporté la création du RUA.Au vu de la période actuelle, l’absence de filet de sécurité pour les jeunes tend à se faire ressentir de plus en plus fortement, de même que l’absence de réponse structurelle pour y remédier… au point de précipiter un mouvement des « gilets jeunes » ?

Sophie Caillaud, Pierre-Luc Delage, 16.09.2020

Crédit photo : Sophia H. Gue sur Unsplash

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