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EMPLOI & FORMATION PROFESSIONNELLE

ÉTUDE

Emploi : la fin d'un indispensable sursis

En réponse à la crise économique provoquée par la crise sanitaire, le gouvernement français a fait le choix de prendre des mesures fortes de soutien de l’économie et en particulier de permettre un recours massif au chômage partiel avec l’ambition affichée de : « transformer l’ancien système d’activité partielle pour doter la France du système le plus protecteur d’Europe », suivant en cela l’exemple allemand, qui avait eu recours à ce mécanisme avec succès lors de la crise de 2008-2009. L'Allemagne avait alors réussi à contenir la progression du chômage (+0,2 point entre 2008 et 2009, contre +1,6 point en France).

/Le prix d'un instant de répit

Un choc financier pour l'Assurance chômage.

Devant l'urgence de la situation, les économies attendront. Alors que le nombre de chômeurs s'envole en mars, l'Assurance chômage finance en outre un tiers du mécanisme de chômage partiel. Pour ce seul chômage partiel, on peut estimer à ce jour une dépense de 33,7 milliards d’euros, soit environ 11,2 milliards d’euros à la charge de l'Assurance chômage[1]. C'est sans compter les 2 millions de personnes, salariés en arrêt de travail pour garde d’enfants et personnes vulnérables, qui vont passer au chômage partiel à partir du 1er mai...

Dans le même temps, le gouvernement assouplit les règles de l'indemnisation du chômage pour protéger les personnes les plus vulnérables, allongeant notamment l’indemnisation pour les demandeurs d’emploi arrivés en fin de droits, et reporte au 1er septembre l'entrée en vigueur du deuxième volet de la réforme de l'Assurance chômage qui devait contribuer d'ici 2021 à une économie de 3,7 milliards d'€.Un service public en tension.

Depuis le 1er mars, les Direccte ont enregistré 1.164.000 demandes de chômage partiel. Pour répondre à ces demandes, elles disposent d’un délai de 48h, contre 15 jours auparavant, avec une acceptation tacite en cas d’absence de réponse. Alors que dans le même temps le confinement leur impose une réorganisation de leurs activités, ces services déconcentrés de l’État sont soumis à une forte pression. L’outil de déclaration de chômage partiel n’était évidemment pas conçu pour une telle affluence de demandes, ni pour un traitement aussi urgent. Ce qui a naturellement entrainé des difficultés que les Direccte s’efforcent toutefois de surmonter avec intelligence et agilité.

Au sein de la Direccte Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, les cellules de crise ont été créées notamment sur la base du volontariat, les contacts sont quasi quotidiens avec la DGEFP pour remonter les problèmes de terrain et prendre en compte les nombreuses évolutions réglementaires. Les partenariats avec les acteurs consulaires ont permis quant à eux de mettre en place un premier niveau de réponse aux questions des entreprises. L’objectif commun du moment est « d’aider les entreprise à passer le cap…. ! ».

Pôle emploi fait, quant à lui, face à un double défi : augmentation forte des inscriptions et baisse très importante du nombre d’offres d’emploi. Néanmoins le paiement des allocations n'a souffert aucun retard, malgré les difficultés d'organisation du travail liées au confinement.

/Un choc inévitable

La publication des chiffres du chômage pour le premier trimestre 2020 et en particulier pour le mois de mars, ce lundi 27 avril, confirme que ces mesures ne suffiront pas pour éviter une augmentation (très) importante du chômage.Les travailleurs précaires en première ligne.

Dès ce premier mois de crise, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi augmente de manière très sensible (+3,1 %), soit plus qu’en 2008-2009, et la part des demandeurs d’emploi sans aucune activité s'envole (+7,1%). A ce stade, cette hausse importante ne serait toutefois pas (encore ?) le fait de licenciements. Le Ministère du travail précise en effet que « la mise en place du confinement a conduit [...] à des non-renouvellements de mission d’intérim ou de contrats courts ainsi qu’à une baisse des embauches en contrats de courte durée ».

Licenciements et faillites.Il est à craindre que les autres catégories de travailleurs ne soient bientôt touchées à leur tour. Des licenciements s’annoncent déjà : « des milliers d’emplois détruits » dans la filière aéronautique d’Airbus, un plan de départs volontaires chez Air France, etc. Et il est à craindre que les restrictions progressives du recours au mécanisme de chômage partiel n'aggravent encore ce phénomène...Dans son dernier rapport, daté du 29 avril, l'Observatoire de l'Organisation internationale du travail alerte par ailleurs sur le risque encouru par les travailleurs indépendants et les micro-entreprises qui jouent pourtant un rôle majeur de pourvoyeurs d'emplois : « le nombre de petites entreprises dans les économies avancées devrait diminuer en raison des nombreuses faillites suite à la pandémie de COVID-19. »  Les épreuves de la crise économique.

Le service public de l’emploi, et Pôle emploi en première ligne, devra dès lors se préparer à y faire face en adaptant à court terme les priorités stratégiques et en réallouant les ressources pour traiter les flux d’inscription et trouver des solutions si le niveau des offres d’emploi reste aussi bas.

Parallèlement, le développement du télétravail pourrait accélérer le basculement vers une économie numérique, augmentant le risque d'exclusion des salariés peu qualifiés. Les enjeux de la formation des actifs (déjà bien compris par le gouvernement, qui a renforcé et mobilisé le dispositif FNE-Formation), et en particulier du Plan d’investissement dans les compétences qui s’adresse aux personnes les plus fragiles, deviennent donc encore plus critiques. Devant la tempête qui s'annonce, il faut espérer que les ambitions du plan de formation ne seront pas sacrifiées... Pour toutes ces raisons, l’appel du Ministère de ce lundi 27 avril à une « réflexion avec les partenaires sociaux pour adapter rapidement nos règles d’assurance chômage à cette situation exceptionnelle » est donc plus que nécessaire et devra être mis en oeuvre le plus rapidement possible, mais également le plus largement possible.

Nathalie François, le 30/04/2020.

[1] Nous prenons pour hypothèse l'indemnisation de la moitié des heures demandées par les entreprises (pour tenir compte de l'écart entre les heures demandées et les heures effectivement chômées) et nous multiplions ce nombre par le coût moyen de 13,9€/heure chômée (évoqué dans le projet de loi de finances rectificatif, voté le 18 mars).

Crédit photo : Edward Howell sur Unsplash

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