INNOVATION
Cycle IA et Recrutement : comment Gojob place l’intelligence artificielle au cœur de son modèle. Entretien avec Benjamin Vallat, Directeur général adjoint France et USA de Gojob.
Cycle IA etRecrutement : comment Gojob place l’intelligence artificielle au cœur de son modèle.
Entretien avec Benjamin Vallat, Directeur général adjoint France et USA de Gojob.
En 2024, YCE Partners a lancé un cycle de réflexion sur l’impact de l’IA sur le secteur de la protection sociale. Dans ce cadre, nous avons rencontré Benjamin Vallat, Directeur général adjoint France et USA de Gojob, qui nous a présenté comment l’entreprise exploite cette technologie pour optimiser le recrutement.
Quels sont les principaux cas d’usage de l’IA chez Gojob, et en quoi votre approche intégrée fait-elle la différence ?
Chez Gojob, l’IA est au cœur de notre processus de recrutement, structuré depuis le sourcing jusqu’à la prise de poste des candidats. Chaque étape est optimisée grâce à des algorithmes spécifiques. L’IA exploite par exemple notre base interne de plusieurs millions de profils pour identifier rapidement les candidats les plus adaptés à une offre. Pendant la phase de « préqualification », l’IA permet également d’engager des conversations automatisées avec les candidats pour collecter des informations clés, comme leurs disponibilités et attentes spécifiques.
En complément de ces usages, notre IA dispose également de capacités prédictives. En analysant les historiques d’activité des clients et les tendances du marché, l’IA anticipe les besoins des clients à 3 ou 6 mois. Gojob peut ainsi être proactif, et proposer très rapidement des candidats disponibles et adaptés aux futurs besoins.
Ce qui distingue notre modèle, c’est l’intégration totale des étapes. Les données collectées à une étape enrichissent automatiquement les suivantes, créant une boucle d’amélioration continue. Par exemple, si un candidat mentionne une contrainte de mobilité lors d’un échange, cette information est immédiatement prise en compte pour la suite du processus. Cette approche garantit une cohérence globale et permet à nos outils d’évoluer en permanence.
Est-ce que certaines étapes de votre processus de recrutement sont entièrement automatisées ?
Oui, certaines étapes, comme le premier niveau de matching, sont totalement automatisées. Nos algorithmes analysent les profils des candidats pour identifier rapidement ceux qui répondent aux critères d’une offre, sur la base de centaines de points de données. Par ailleurs, nous avons automatisé de nombreuses tâches administratives, comme l’envoi de tests ou le tri des candidatures.
Cela libère nos recruteurs des tâches répétitives pour qu’ils puissent se concentrer sur ce qui compte vraiment : les interactions avec les candidats. En effet nous veillons à ce que tous les candidats jugés qualifiés par l’IA soient reçus en entretien par un recruteur, qui peut approfondir des aspects comme les soft skills ou confirmer que le candidat correspond bien au poste.
Nos recruteurs passent ainsi 80 à 90 % de leur temps en entretien, contre seulement 20 à 30 %dans une agence traditionnelle. Cela change totalement la dynamique : nous pouvons offrir des entretiens plus approfondis, en moyenne de 25 à 30 minutes, même pour des postes peu qualifiés.
Les candidats sont-ils informés que leurs conversations sont enregistrées et traitées par une IA ?
L’IA se présente comme un assistant virtuel dès le premier message. Cette transparence est essentielle pour instaurer la confiance et éviter tout malentendu.
Jusqu’à présent, cela n’a jamais posé problème, car ce que recherchent nos candidats, c’est avant tout un service rapide et efficace, ce que propose notre IA, disponible pour apporter des réponses aux candidats 24h/24, tous les jours de la semaine. Cette accessibilité fait toute la différence, surtout face aux agences traditionnelles, qui ont des horaires restreints.
Comment assurez-vous que l’IA reste sous contrôle, et quel est le rôle de votre comité d’éthique dans cette démarche ?
Nous avons développé des outils de supervision internes pour garantir le bon fonctionnement de l’IA.
En parallèle, nous avons un comité d’éthique pluridisciplinaire, composé de chercheurs, philosophes et membres internes de Gojob, dont les recommandations influencent directement notre stratégie. De plus, nous travaillons avec des investisseurs à impact, comme la Caisse des Dépôts et Consignations, qui partagent nos valeurs et veillent à ce que nous restions alignés avec notre mission d’entreprise sociale et solidaire (ESS).
Quelles sont les principales différences entre le recrutement pour des postes peu ou moyennement qualifiés, et celui pour des profils plus qualifiés ?
Notre modèle actuel est particulièrement pertinent pour les profils peu et moyennement qualifiés, car les processus sont plus standardisés et adaptés à des volumes importants. Pour ces postes, l’IA peut automatiser une grande partie des tâches, comme le matching et la préqualification.
Pour les profils plus qualifiés, le défi est différent. Ces candidats nécessitent souvent un engagement « high-touch » (fortement personnalisé), où la relation humaine joue un rôle central dès le début. Par exemple, il est peu probable qu’un cadre réponde favorablement à un simple SMS automatisé pour un poste à responsabilité. La manière d’engager le candidat doit être plus personnalisée.
Cela dit, l’IA peut déjà faire beaucoup, notamment pour collecter des données sur les attentes des candidats, suivre leurs évolutions ou analyser leurs soft skills. Nous explorons aussi des technologies comme l’analyse vidéo, qui pourraient permettre d’évaluer des réponses à des entretiens filmés en identifiant des signaux comportementaux. Bien que prometteuses, ces technologies ne sont pas encore totalement matures, et il existe aussi des barrières psychologiques à leur adoption.